Si beaucoup de vignobles prétendent faire partie des plus vieux de France, très peu ont laissé autant de traces dans l’histoire que le vignoble de Cahors.
La culture de la vigne était déjà très présente en Quercy au moment où la conquête romaine s’achevait en Gaule. Bacchus, divinité romaine, fut célébré par les Gaulois. Malheureusement, en l’an 92, l’empereur Domitien ordonna l’arrachage des vignes car leur culture concurrençait celle du blé dont Rome avait grand besoin.
Il faudra attendre 276 pour que l’empereur Probus autorise leur replantation, mais, dès les siècles suivants, aux IVème et Vème siècles, les invasions barbares ruinèrent le Quercy et sa viticulture. En 630, le vignoble cadourque fut relancé par l’Evêque Saint-Didier de Cahors, à qui l’Evêque de Verdun écrit : « Je rends grâce à Votre Eminence des dix vases du noble Falerne qu’elle a daigné m’envoyer ».
En 1152, le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri II, roi d’Angleterre, favorisa le développement des vins de l’arrière-pays bordelais, en particulier le vin de Cahors. Très apprécié des Anglais, « The Black Wine of Cahors », connut un essor considérable et fut côté sur le marché de Londres en 1225.
Par ailleurs, de passage à Rocamadour, les pèlerins de St Jacques de Compostelle appréciaient le vin de Cahors et contribuèrent à répandre sa réputation dans toute la France ainsi qu’à l’étranger. Le commerce du Vin de Cahors connaît son apogée en 1310, avec une production de 850 000 hL, représentant alors 50% des exportations au départ du port de Bordeaux.
A partir de 1325, le Pape Jean XXII, originaire de Cahors et installé à Avignon, fit appel à des vignerons lotois pour réaliser le vignoble pontifical.
Au cours des siècles suivants, malgré l’opposition bordelaise au commerce du vin de Cahors lié à la batellerie du Lot et de la Garonne, le vin de Cahors acquiert une notoriété internationale depuis les Amériques, l’Allemagne, la Hollande, jusqu’en Russie où le Tsar Pierre Legrand appréciait particulièrement le Caorskoïe Vino, et où les Popes russes l’utilisaient comme vin de messe. On trouve aussi des cépages lotois en Azerbaïdjan.
D’illustres personnages originaires du Lot contribuèrent à ce renom :
Le poète Clément Marot (1496-1544) chantait cette « liqueur forte et savoureuse » de son Cahors natal :
« Bacchus aussi, sa bonne vigne y planta
par art subtil sur montagne pierreuse
rendait liqueurs fortes et savoureuses »
Galiot de Genouillac (1465-1546), Seigneur d'Assier, Maître de l'artillerie de François 1er, fit connaître le vin de Cahors à ce dernier, qui fit ensuite appel à un vigneron cadurcien pour planter sa vigne à Fontainebleau.
Ce n’est qu’au XVIIIème siècle que Louis XVI, sous l’inspiration de Turgot, abolit les privilèges bordelais, permettant ainsi « de faire circuler les vins dans toute l’étendue du royaume, de les emmagasiner, de les vendre à tous lieux en tous temps, de les emporter en toutes saisons, dans tous les ports et nonobstant tous les privilèges particuliers et locaux à ce contraire qu’Elle supprime ».
Mais ce texte ne fut que partiellement respecté, et les Bordelais continuèrent de mener la vie dure aux vignerons lotois, ce qui n’empêcha pas le vignoble de Cahors de continuer à prospérer et de connaître son âge d’or au milieu XIXème (58 000 ha de vigne en 1866).
Gabarre - Archives Départementales du Lot
Vers 1880, un puceron ravageur, le phylloxéra, détruisit la totalité du vignoble. Puis ce fut la première guerre mondiale. Les difficultés économiques et le manque terrible de main d’œuvre retardèrent la relance du vignoble. Ce n’est qu’au sortir de la seconde guerre mondiale que certains viticulteurs décidèrent de s’unir pour relancer le vignoble de Cahors, créant alors, en 1947, la Cave Coopérative des côtes d’Olt à Parnac. En 1951, le Vin de Cahors devient A.O.V.D.Q.S. : Appellation d’Origine Vin Délimité de Qualité Supérieure. Malheureusement, les gels de 1956-1957 détruisirent les efforts et ruinèrent à nouveau de nombreux vignerons lotois. Mais aucun ne désespère et tous se remettent à l’œuvre. En 1964, Confrérie du Vin de Cahors voit le jour ; et en 1971, les efforts sont récompensés : le Président Pompidou, lotois d'adoption à Cajarc, et grand amateur de Vins de Cahors, fait promulguer le décret de classement du Vin de Cahors en A.O.C. : Appellation d’Origine Contrôlée.
Le vignoble de Cahors compte aujourd’hui 4500 ha de vignes pour une aire géographique délimitée de 21700 ha répartie sur 45 communes. Le cépage principal est le Cot ou Malbec, localement appelé Auxerrois (70% minimum) ; les cépages complémentaires sont le Merlot et le Tannat. La production annuelle est d’environ 230 000 hL.
Une étude de terroirs sur l’ensemble de l’aire géographique de l’appellation a conduit à l’identification de 9 terroirs (voir coupe et photographies ci-après) selon des critères liés à la géologie, la profondeur du sol, l’altitude et la distance par rapport au Lot, ainsi que la situation de pente ou de plateau.
coupe des 9 terroirs
Photographies des 9 terroirs
- les terroirs de zones alluviales :
- première terrasse alluviale du Lot T1,
- deuxième terrasse T2,
- troisième terrasse T3,
- cône d'éboulis calcaires T4.
- les terroirs de versants calcaires :
- versant calcaire T5,
- haut niveau de Quaternaire ancien T6.
- les terroirs de plateaux calcaires :
- sidérolithique T7,
- plateau marno-calcaire blanc de l'Oligocène-Miocène T8,
- plateau calcaire du Jurassique T9.
Les 2/3 du vignobles se situent sur les terrasses alluviales du Lot, l’autre 1/3 sur les versants et plateaux calcaires alentours.
L’étude des 9 terroirs, conduite par la Ferme Expérimentale d’Anglars-Juillac avec une démarche neutre, sincère et honnête, a pour objectifs 1°) d’analyser l’existant, 2°) de mieux connaître les potentialités viticoles des différents terroirs de l’A.O.C. Cahors pour le cépage Cot, ainsi que le comportement de la vigne sur ces terroirs, et 3°) de valoriser ces connaissances par la mise en place d’itinéraires technologiques, agroviticoles et œnologiques appropriés à chaque terroir : souci de valorisation directe des résultats auprès des viticulteurs permettant d’amener chaque parcelle à son optimum qualitatif. Neuf parcelles représentatives des 9 terroirs viticoles de l’A.O.C. ont ainsi été identifiées. Des fosses pédologiques ont été ouvertes sur chaque parcelle, permettant une description détaillée du profil de sol avec analyses physico-chimiques des différents horizons et une description du profil racinaire. Une étude de la fertilité biologique des sols a également été entreprise (analyse de la matière organique, études microbiologiques). Dans chaque parcelle, un rang de référence est suivi chaque année, avec un comptage des grappes avant éclaircissage, un éclaircissage manuel début véraison (8 grappes par souche pour homogénéiser les rendements des 9 parcelles terroirs), 3 à 4 contrôles de maturité, des vendanges manuelles, des micro-vinifications en cuve de 100L (protocole identique pour chaque terroir) et enfin, une dégustation des vins à l’aveugle (vins jeunes, sans élevage, 8 à 10 mois après la récolte représentant la « matière brute » de chaque terroir).
L’étude montre qu’il existe des terroirs qualitatifs aussi bien sur les terrasses alluviales du Lot que sur les causses, et que les facteurs « épaisseur du sol » et « régularité de l’alimentation hydrique » ont une influence prépondérante par rapport au facteur « nature chimique du sol » (acide ou calcaire) pour définir la qualité des terroirs. L’étude montre également l’importance des micro-climats résultant de la topographie du vignoble, en particulier ceux liés aux méandres du Lot, abrités des vents.
Les Vin de Cahors ont une robe noire intense et profonde, des tanins abondants, des arômes de fruits noirs dans leur jeunesse (cassis, mûres, cerises griottes…) et de plantes aromatiques,
d’épices, de menthe, de truffe après vieillissement. Ce sont des vins charpentés qui méritent, le plus souvent, un séjour en barriques et quelques années de vieillissement. Ils accompagnent parfaitement les viandes rouges et le gibier.
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